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ANALYSES URBAINE

Le projet de la ville de Drachten en est un qui, malgré les apparences, est de grande envergure et sur une grande échelle. En effet, il s’agit ni plus ni moins de redéfinir pratiquement toutes les voies et surtout les intersections de la ville à partir des principes des espaces partagés (Shared Space) et de rues nues (Naked Streets). Cette redéfinition est issue du désir de redonner la rue à tous en revitalisant l’espace public dans un but simple d’améliorer la qualité de vie de tous; conducteurs, cyclistes et piétons. En s’appuyant sur le cadre théorique de ces principes urbains, un tel regain de qualité de vie passe par une réduction de l’importance et de la présence de l’automobile au profit du transport actif ainsi que par une amélioration du paysage urbain et de sa lisibilité. Ainsi, depuis 1998, c’est tout le système viaire d’une petite ville qui est remis en question. Afin de mieux saisir la nouvelle réalité liée à ce changement, deux intersections sont particulièrement intéressantes.

 

La première intervention date de 1998 et consiste en la conversion d’une intersection du centre-ville de Drachten, nommée De Kaden. Cette intersection autrefois traditionnelle contrôlée par des feux de circulation est traversée par une moyenne de 15 000 véhicules et de 2000 cyclistes aux 24 heures. Il y a presque 20 ans, cette intersection fut donc convertie en un espace partagé et nu très près de l’idéal théorique proposé par ces principes. On y retrouve ainsi un grand espace ouvert caractérisé par un pavage au sol uni au niveau uniformisé et une signalisation des plus minimalistes. En fait, la seule signalisation présente est un avertissement donnant priorité aux piétons, demandé suite à l’instauration du nouvel aménagement. Peu avant d’arriver au croisement, les automobilistes sont informés de ce qui est à venir par un astucieux resserrement de la voie passant entre des séries d’arbres, les forçant à prendre conscience du nouvel environnement. Il s’agit donc d’un endroit où se confondent voitures, cyclistes et piétons dans une sorte de tumulte déhiérarchisée, fluide et contrôlée. Le lieu est aujourd’hui tellement loin de ressembler à une intersection viaire moderne que, si les automobilistes et les cyclistes y circulant constamment étaient absents, on pourrait méprendre l’intersection pour une place publique. On retrouve d’ailleurs plusieurs terrasses donnant pratiquement dans l’intersection, les barrières entre trottoir et rue s’étant considérablement amoindries. L’intersection, et de manière plus large, l’espace urbain, se retrouve ainsi rapproché du concept de troisième lieu, endroit appropriable et appartenant à tous.

Trois ans plus tard, soit en 2001, une autre intersection en croix contrôlée par feux de circulation, du nom de Laweiplein, fut transformée. Cette dernière est principalement caractérisée par un fort trafic automobile, soit environ 18 000 véhicules aux 24 heures. On retrouvera dans le nouvel aménagement un simple rond-point, sans autres indications qu’un panneau avertissant qu’il s’agit effectivement d’un rond-point et de quelques marquages au sol. Naturellement, les cyclistes et piétons circulent au pourtour du rond-point. Ce dernier ne laisse par contre aucun doute sur sa fonction de réseau viaire, à l’inverse de l’intersection de Kaden. La forme circulaire du nouvel aménagement s’inscrit dans un fragment du tissu urbain qui était autrefois une intersection rectiligne, laissant ainsi des espaces résiduels aux pieds des bâtiments cadrant la place en périphérie de la circulation, aujourd’hui utilisée comme lieux publics. Ces lieux sont d’ailleurs caractérisés par deux fontaines dont le débit hydrolique augmente avec le débit routier de la place.

Malgré le fait que l’essence de chaque intersection soit différente, il est important de saisir qu’il s’agit des mêmes enjeux et principes qui guident la mise en place des nouveaux aménagements. Des deux côtés, l’amélioration de la qualité de vie passe par l’augmentation du sentiment de sécurité dans l’espace public. Paradoxalement à priori, le retrait de la signalisation sur route pousse - et permet visuellement - à ses usagers de prendre meilleure conscience de la présence des autres usagers. L’ambiguïté des situations provoquées par ces rencontres amène donc une responsabilisation de tous les usagers vis-à-vis de leur propre sécurité et de celle des autres. De plus, selon la théorie, la vitesse maximale des véhicules se situe à 30 km/h, aussi vitesse maximale de la course d’un humain. Cela permettrait, d’une part, que le contact visuel puisse s’effectuer sans problème et d’autre part, que les accidents soient substantiellement moins violents, le corps humain étant techniquement capable d’absorber un choc avec un objet allant à cette vitesse.Tout cela se solde au final par un sentiment de sécurité accru du côté du piéton, mais aussi statistiquement par une baisse des accidents. L’exemple de Laweiplein est assez frappant à cet égard: en quatre années comptabilisées suite au nouvel aménagement, soit de 2003 à 2006, seulement sept accidents ont été enregistrés, dont aucun comportant une quelconque atteinte à la personne. En comparaison, 41 accidents ont été enregistrés de 1997 à 2000, dont 6 comportant des blessés. Ainsi, une étude publiée en 2007 par la « Shared Space Institute » de la Noordelijke Hogeschool Leeuwarden (NHL) indique que les répondants de l’étude communiquent un sentiment d’amélioration de la sécurité personnelle de l’intersection Laweiplein.

 

Les mesures mises en place à Drachten ne visent pas uniquement à améliorer le sort des piétons et des cyclistes. En effet, des mesures similaires instaurées à Londres ont démontré que le débit du trafic automobile se trouvait amélioré suite aux changements apportés. Les automobiles se déplaceraient légèrement plus lentement qu’à l’habitude sur des voies issues du design moderne, mais avec un débit constant, évitant ainsi les indésirables embouteillages causant de la frustration aux conducteurs.

 

Ainsi, selon la « Shared Space Institute » concernant l’instauration du rond-point à Laweiplein, « the traffic appears to flow at a relatively constant rate, at a roughly equal speed for bicyclists and motorised traffic. This consistent speed appears to improve the dynamic between all users, whether motorists, cyclists or pedestrians » et « the reconfiguration of the intersection with traffic signals into a « squareabout » has led to more freely circulating traffic. Peak hour queues do still build up, but traffic generally keeps moving at a constant low speed.» D’un point de vue autre, le cas de Laweiplein épargne aussi des interruptions et attentes aux piétons et cyclistes, ceux-ci ne s’arrêtant généralement plus, à 95% du temps, pour laisser passer les voitures.

 

Outre le sentiment de sécurité et d’apaisement des conducteurs, amené par l’effacement de la signalisation urbaine, il est important de souligner qu’au plan esthétique, ces mesures améliorent le paysage urbain. Feux de circulation, panneaux « STOP », marquages au sol, panneaux signalétiques variés, trottoirs surélevés et autres objets que l’on retrouve typiquement le long des routes urbaines sont tous des éléments d’ingénierie que l’on tolère dans l’espace public pour leur fonction utilitaire, mais qui ne sont certainement pas là par choix esthétique. Le retrait de tous ces objets est un geste qui a pour voie de conséquence un retour à un paysage urbain davantage naturel, dépourvu de ségrégation entre les différents usagers du réseau viaire. Ce retour à un environnement urbain exempt d’éléments qui ne lui sont pas propres, car tels étaient réellement les objets signalétiques, améliore grandement la lisibilité et la portée du regard aux intersections de Kaden et de Laweiplein et pousse les différents types d’usagers à interpréter l’environnement lui-même afin de le traverser - et donc à le vivre davantage - plutôt que de simplement suivre des indications graphiques abstraites. Par le fait même, une plus grande attention est ainsi portée envers les autres usagers de la route, qu’ils soient cyclistes, automobilistes ou piétons.

Source: Source: Officieel moment voor de vaart, https://www.smallingerland.nl/Int/2015-Maart/Officieel-moment-voor-de-vaart.html, consulté le 5 décembre 2016.

Source: Les auteurs.

Source: Source: Officieel moment voor de vaart, https://www.smallingerland.nl/Int/2015-Maart/Officieel-moment-voor-de-vaart.html, consulté le 5 décembre 2016.

Source: Les auteurs.

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